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Le Festival de Sundance, haut lieu du cinéma indépendant, a dévoilé son palmarès 2025 dans la section court-métrages. De la Palestine (Palestine in the Flowers Stand Silently, Witnessing de Theo Panagopoulos) au Cambodge (Grandma Nai Who Played Favorites de Chheangkea), en passant par Los Angeles (Trokas Duras de Jazmin Garcia), les films primés nous invitent à explorer des réalités et des cultures différentes en abordant les thèmes de l’identité, de la mémoire autant que de précarité et de la violence du monde qui nous entoure.

Palestine in the Flowers Stand Silently, Witnessing de Theo Panagopoulos 

Le court-métrage Palestine in the Flowers Stand Silently, Witnessing (17 minutes) de Theo Panagopoulos remporte le Grand Prix du Jury au Festival de Sundance 2025 et se positionne comme un candidat sérieux pour les BAFTA 2025. 

Le film du réalisateur palestinien est une œuvre poignante qui explore les thèmes de la mémoire, de l’identité et de la relation entre l’homme et la nature en s’appuiant sur des images d’archives, tournées par un missionnaire écossais dans les années 1930 et 1940. Ces images, retrouvées par hasard par le réalisateur aux cours de recherches dans les archives de Glasgow sont réappropriées et utilisées pour interroger le rôle de l’image dans la construction de l’histoire et de la mémoire.

Le court-métrage est une réflexion sur la manière dont les images peuvent être utilisées pour témoigner, mais aussi pour effacer et invisibiliser. Il invite également à une réflexion sur la relation entre l’homme et la nature, et sur la manière dont cette relation est façonnée par l’histoire et la politique. Ce qui fera dire à Theo Panagopoulos que « Ce film est une tentative de redonner une voix à ces fleurs, à cette terre, à cette histoire qui ont été si longtemps réduites au silence. »

Palestine in the Flowers Stand Silently, Witnessing est donc un film à la fois personnel et politique, qui résonne avec l’actualité. Il témoigne de la richesse et de la complexité de l’identité palestinienne, et offre une réflexion profonde sur la mémoire et l’histoire.

Grandma Nai Who Played Favorites de Chheangkea 

Le premier court métrage « Grandma Nai Who Played Favorites » du réalisateur Chheangkea a quant à lui remporté le prix du jury dans la catégorie fiction internationale, quelques jours avant sa projection lors du Festival International du film de Rotterdam. 

Ce film touchant et plein d’humour aborde avec tendresse et originalité les thèmes de la famille, de la transmission, de l’identité et de l’acceptation de soi: Grand-mère Nai, récemment décédée, revient sur Terre lors de la Fête des Morts. Elle découvre que son petit-fils Meng, un jeune homosexuel, est sur le point d’épouser une femme. Furieuse de cette situation, elle décide de tout faire pour l’en empêcher.

Le film est porté par une interprétation remarquable de l’actrice principale, qui incarne avec justesse et émotion le personnage de Grand-mère Nai.

Trokas Duras de Jazmin Garcia: Prix du Jury

Autre premier court-métrage: celui de Jazmin Garcia, Trokas Duras,  a été récompensé du prix du Jury dans la catégorie Fiction Américaine. Cette œuvre, qui aborde avec sensibilité et poésie le thème du travail précaire des journaliers hispaniques à Los Angeles, a su toucher le public et la critique. Jazmin Garcia, à travers une narration visuelle soignée et une approche intimiste, parvient à créer une connexion émotionnelle forte avec les personnages.

Trokas Duras nous plonge dans le quotidien de ces travailleurs, souvent invisibles, qui luttent pour leur survie. Au-delà des difficultés, Trokas Duras célèbre la force et la résilience de ces hommes et de ces femmes, leur capacité à s’unir et à se soutenir mutuellement. Le film explore leurs rêves, leurs espoirs et leurs difficultés.

Como si la tierra se las hubiera tragado de Natalia León

L’œuvre de Jazmin Garcia rentre en dialogue avec celle de Natalia León qui remporte le prix dans la catégorie film d’animation. La réalisatrice s’intéresse aux conditions de ses concitoyens à travers le regard d’une jeune femme qui retourne dans sa ville natale. Ce retour aux sources est l’occasion pour elle de renouer avec son passé, mais aussi de se confronter aux traumatismes liés à son enfance. Le récit est construit autour de ses souvenirs, de ses émotions et de ses réflexions sur la violence qui l’entoure.

Le style d’animation de Natalia León est à la fois poétique et réaliste. Les dessins sont expressifs et les couleurs sont vives, ce qui renforce l’émotion qui se dégage du film. La musique, composée par le groupe de rock expérimental basé à Brooklyn, The Dare, contribue également à créer une atmosphère immersive.

The Eating of an Orange de May Kindred-Boothby

Autre film d’animation ayant été primé: The Eating of an Orange de May Kindred-Boothby. Le film explore les thèmes de la conformité et de la sexualité à travers un prisme suréaliste ) travers lequel on retrouve des limaces, des rituels et la consommation d’une orange. Il est réalisé en animation 2D, image par image, et peint numériquement à la main.

La réalisatrice, May Kindred-Boothby, s’intéresse aux conventions autour du genre et de la sexualité  et son impact sur la manière dont nous interagissons en faisant, pour cela, appel au registre de l’absurde. L’histoire suit une femme qui vit dans un monde de conformité stricte dans un univers qui fait pensé autant à la cité idéale de Piero della Francesca qu’à l’univers surréaliste de Giorgio De Chirico. Son quotidien et ses certitudes se retrouvent boulversées lorsqu’elle est transportée dans une autre dimension après avoir mangé une orange aux allures de sexe féminin.

Tiger de Loren Waters

Enfin, la réalisatrice amérindienne a été récompensée par un prix spécial du jury pour son film Tiger. Ce film raconte suit Dana Tiger, une artiste amérindienne dans son projet de faire revivre l’emblématique entreprise de t-shirts Tiger.

Tiger célèbre l’héritage de Dana Tiger, amie proche de Loren Waters, en tant que femme, artiste et membre de la nation Cherokee. Le film aborde également les thèmes de la famille, de la communauté et de la résilience face à l’adversité.

We were the scenery de Christopher Radcliff

Le prix du jury dans la catégorie Non Fiction a quant à lui été décerné à un réalisateur loin d’en être à son premier court-métrage: Christopher Radcliff. Le Co-réalisateur de The Stranger Ones (2018) revient avec un  film qui suit le quotidien d’une équipe de tournage, en pleine réalisation d’un documentaire sur le loup. Leur immersion dans la nature prend une tournure inattendue lorsque les limites entre réalité et fiction s’estompent. Le réalisateur filme l’équipe dans un style documentaire, jouant sur le réalisme de certaines séquences. L’équipe de tournage devient ainsi un personnage à part entière du film, ce qui crée une mise en abyme intéressante.