Le mercredi 16 octobre, Art Basel Paris 2024 ouvrait ses portes sous la majestueuse verrière du Grand Palais (la plus grande d’Europe). Un événement qui a su rassurer le monde de l’art sur l’état de son marché et confirmer la grand retour de Paris sur la scène internationale. Paris affirme son statut de capitale de l’art en Europe
Dès lundi, le cœur de la capitale battait au rythme de la semaine de l’art à Paris. Les collectionneurs et amateurs, français et étrangers, se frayaient un chemin dans les rues du VIIIe arrondissement pour se rendre d’un vernissage à l’autre. Comme à leur habitude, les grandes galeries étaient au rendez-vous: Emmanuel Perrotin jouait la carte de l’accessibilité et donnait un peu de couleur à la grisaille du mois d’octobre en exposant le travail de Takashi Murakami tandis que Kamel Mennour, à quelques mètres de là, présentait le travail de Dhewadi Hadjab. Un choix tout à l’honneur du galeriste qui profite de l’occasion pour mettre en avant la création contemporaine française. Galleria Continua, quant à elle, s’installait judicieusement dans les murs de la galerie Tornabuoni. Mais les deux expositions à retenir sont celles de la White Cube et de Hauser & Wirth. La première célébrait la peinture de Sylvia Snowden à travers une sélection d’œuvres expressionnistes époustouflantes tandis que la seconde mettait à l’honneur l’artiste star, Rashid Johnson. Ceci en prévision de sa grande exposition au Guggenheim (A Poem for Deep Thinkers, du 18 avril 2025 au 18 janvier 2026).
Les maisons de ventes n’étaient pas en reste: Christie’s présentait trois ventes d’art du XIXe, XXe et XXIe siècle dont le résultat allait approcher les 80 millions quelques jours plus tard. Sans être euphorique, les ventes ont été portées une solide sélection d’oeuvres d’artistes confirmés (Zao Wou Ki, Joan Mitchell, Lucio Fontana, Nicolas de Staël, Alberto Giacometti…) dont les résultats se sont avérés être en ligne avec leurs estimations allant de 1,3 millions à 6 millions d’euros. A noter, la vente d’une sculpture Kota par le Maître de Sébé, acquis en 1918 auprès du célèbre marchand Paul Guillaume, ayant atteint les 2 097 000 euros. Un résultat bien supérieur à son estimation de 600 000/800 000 euros et qui prouve, une nouvelle fois qu’en matière d’art africain, la provenance est essentielle. Quant à Sotheby’s, elle ouvrait ses portes de son nouvel espace: une grande répétition avant son grand vernissage de mercredi. En effet, deux jours plus tard, la maison de ventes inaugurait le 83 rue du Faubourg Saint-Honoré, ancienne adresse de la galerie Bernheim-Jeune. Un choix stratégique qui place Sotheby’s dans le centre névralgique qu’est devenu l’avenue Matignon et qui la soustrait aux aléas des innombrables mesures de sécurité mises en place par l’Elysée. Le nouvel espace a été pensé pour répondre aux nouvelles attentes de la clientèle internationale et les premiers résultats ne se sont pas fait attendre. Le soir du vernissage, le monde de l’art se bousculait pour assister à une soirée qui jouait de manière ingénieuse avec les codes du surréalisme. Les trois ventes qui s’ensuivirent ont approché les 60 millions d’euros avec, là encore, une sélection de grandes signatures qui ont suscité l’intérêt de collectionneurs sélectifs. Deux importantes oeuvres de Jean Dubuffet: Francis Ponge Jubilation (1947) et Visiteur au Chapeau bleu (1955) ont dépassé les 6 millions d’euros tandis que deux toiles réalisées par René Magritte en 1947: La Leçon de Choses et L’incendie, ont su dépasser les 3 millions d’euros.
Art Basel 2024: Une édition maîtrisée, des ventes qui rassurentMercredi, la foire ouvrait ses portes dans une atmosphère optimiste et surtout beaucoup plus saine: l’ensemble des acteurs du marché semblant vouloir replacer l’art au centre des conversations. Comme souvent, les galeristes ont mis en avant les artistes bénéficiant d’une exposition institutionnelle. C’est donc sans surprise que l’on retrouvait sur les stands de Gagosian, d’Almine Rech et de la galerie Vedovi, trois œuvres de la série Smoker de Tom Wesselmann dont le travail est actuellement exposé à la fondation Vuitton (Pop Forever, jusqu’au 24 février 2025). L’influence de l’exposition Arte Povera (jusqu’au 20 janvier 2025) se faisait également sentir: Michelangelo Pistoletto chez Galleria Continua, Giuseppe Penone chez Marian Goodman, Jannis Kounellis à la galerie Lelong & Co., Alighiero Boetti à la Galerie Tornabuoni, Pier Paolo Calzolari chez Kamel Mennour… De nombreux autres noms, bien connus des amateurs d’art étaient également présents: Alicja Kwade chez Mennour, Claire Tabouret chez Almine Rech… La galerie Templon, quant à elle, présentait une œuvre de Chiharu Shiota en prévision de son exposition au Grand Palais en décembre prochain. Une fois au premier étage, on pouvait découvrir une sélection de galeries émergentes qui offrait une sélection rafraîchissante, à des prix abordables: de nombreuses œuvres étant proposées entre 2 000 et 10 000 euros. De quoi permettre aux jeunes collectionneurs de se lancer sur un marché de l’art souvent perçu comme inabordable.
En parallèle de la foire, l’art investissait plusieurs lieux emblématiques de Paris, renforçant le lien entre Art Basel et la ville. Des expositions et installations étaient présentées au Palais d’Iéna, à la Place Vendôme et au Petit Palais, entre autres. Ce programme a permis de toucher un public plus large et de créer des dialogues enrichissants entre les œuvres et les visiteurs. Parmi les événements notables, le Palais d’Iéna accueillait le projet porté par Miu Miu “Tales & Tellers” de Goshka Macuga, tandis que la Place Vendôme recevait la sculpture “Giant Triple Mushroom” de Carsten Höller (Gagosian). Le Petit Palais a également collaboré avec Art Basel pour présenter l’installation “C’mon England” de Jesse Darling.
Des foires satellites pleines de vitalité
La force de la semaine de l’art à Paris réside également dans le nombre et la vitalité de ses foires satellites. Loin de passer pour d’énièmes « salons des refusés », chacun à su trouver son créneau et affirmer son identité. Moderne Art Fair opérait un rapprochement stratégique au pied du Grand Palais. Thema et Design Miami investissaient deux hôtels particuliers de la rue de l’Université. Des magnifiques écrins pour une sélection de mobilier devant laquelle on se prend facilement à rêver. Deux autres foires se rapprochaient également: Paris International et NADA, mais cette fois-ci pour jouer la carte de la jeune création contemporaine. La première, comme à son habitude, investissait un immeuble en réhabilitation et laissait la part belle aux démarches artistiques expérimentales. NADA se positionnait sur un segment un peu plus mainstream, mais toujours de qualité, afin de susciter l’intérêt d’un public plus large Citons également les deux foires Asia Now (art contemporain asiatique) et AKAA (art contemporain africain) qui sont à présent bien installées dans le circuit des collectionneurs venus à l’occasion de la semaine de l’art à Paris. Mention spéciale pour Offscreen qui, loin de jouer la surenchère, offre un autre regard sur notre rapport à l’image.
Enfin, d’autres projets ont su s’illustrer durant cette semaine: Private Choices, le projet de Nadia Candet, investissait le 40 rue Paul Valéry dans l’attente d’une édition spécialement dédiée à la photographie en novembre (en marge de Paris Photo). A noter également le travail de Pablo Reinoso présenté par Carlos Sicilia chez Liaigre. Une nouvelle belle surprise de la part du curateur qui avait impressionné l’année dernière avec l’installation monumentale de Tadashi Kawamata.

