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Suzanne Deal Booth fait partie des conservateurs, collectionneurs et philanthropes américains les plus dynamiques. Elle est connue pour son expertise en matière d’histoire de l’art et de conservation, acquise lors de ses études à l’université Rice et à l’université de New York et auprès de sa mentor Dominique de Menil. Suzanne a travaillé pour des institutions prestigieuses telles que le Metropolitan Museum of Art à New York, le Centre Pompidou à Paris et le Getty à Los Angeles.  

Parmi ses projets les célèbres, citons la création de collections pour des entreprises et des universités, le parrainage de l’oeuvre monumentale Twilight Epiphany de James Turell (situé au Suzanne Deal Booth Centennial Pavilon de l’université de Rice), la création des Friends of Heritage Preservation (FOHP) et le prix Suzanne Deal Booth / FLAG Art Foundation. Elle est également très attachée à son vignoble Bella Oaks dans la Napa Valley. Elle y produit du cabernet sauvignon et des olives cultivées selon des pratiques biologiques et biodynamiques.



  • Commençons par les collections que vous avez constitué pour des entreprises telles que Dimensional Fund Advisors. La création de telles collections est une tâche délicate : elle doit s’inscrire dans la philosophie de l’entreprise tout en étant adaptée à un espace professionnel public. D’un autre côté, il existe de nombreux exemples de curateurs qui sont tellement obnubilés par le fait d’être conformiste et politiquement correct que cela aboutit à une collection décorative et sans grand intérêt. Comment avez-vous réussi à constituer des collections d’entreprises qui trouvent le juste équilibre ? 

{SDB} : Je pense qu’il est très important de connaître son commanditaire. Dans ce cas particulier, il s’agissait d’une société de gestion internationale qui a des bureaux à travers le monde entier. Les collections étaient destinées à être placées dans des bureaux où les gens travaillent à plein temps et la société était très claire sur le fait qu’elle ne voulait pas d’œuvres à caractère sexuel, politique ou violent. C’était un défi et c’est ce qui m’a plu : comment créer une collection stimulante, intéressante, qui donne à réfléchir sans ce type d’œuvres. Il aurait été beaucoup plus facile de créer une collection d’artistes émergents qui sont tous politisés, ce qui est plus facile à trouver. Au lieu de cela, je me suis orienté vers de l’art non figuratif, mais pas exclusivement: il peut parfois inclure une dimension figurative tout en gardant un caractère non violent.  

Dans cette collection, il y a une œuvre, qui est l’une de mes préférées, d’un artiste qui prend des photographies de zoos vides, mais prise depuis l’intérieur de la cage, qui nous interroge sur la condition de ces animaux et sur la notion de captivité. C’est ce que j’appelle inciter à la réflexion sans être politique, sexuel ou violent. 

Cette entreprise a des bureaux à Sydney, Singapour, Tokyo, Hong Kong, en Europe et aux États-Unis. C’était l’occasion de présenter une variété d’artistes de différents pays et de mettre en avant leur manière de penser et de s’exprimer. Je voulais également que les différents bureaux aient quelque chose en commun, j’ai donc exposé certains mêmes artistes plusieurs fois dans des lieux différents. Dans l’ensemble, je pense que cette approche a été très fructueuse pour cette collection et les dirigeants de l’organisation ont été très satisfaits. 

Pour moi, l’objectif est de trouver le bon lien. Comme pour d’autres collections que j’ai constituées, telles que celle de l’université Rice ou de l’université de Chicago. En ce qui concerne l’université de Chicago, les étudiants viennent du monde entier et ont des origines très différentes (Afro-américains, Allemands, Indiens, Thaïlandais, Chinois…). J’ai donc opté pour un type de présentation très différent pour une collection très différente

  • En ce qui concerne votre propre collection, vous semblez ouverte à n’importe quelle période et à n’importe quel style. Cela signifie que votre univers de collection est virtuellement infini. Qu’est-ce qui fait qu’une œuvre d’art mérite de rejoindre votre collection ?

{SDB} : Il faut qu’elle me plaise ! J’ai tendance à vivre avec mes œuvres d’art afin d’en faire l’expérience au quotidien. Il faut donc que ce soit des œuvres avec lesquelles je puisse vivre, devant lesquelles je puisse passer tous les jours et me sentir bien. Elles doivent avoir des qualités qui résonnent en moi. J’ai besoin d’œuvres qui fassent partie de mon atmosphère. J’ai une  œuvre d’Agnès Martin dans ma chambre: elle est en harmonie avec ce que je veux ressentir lorsque je veux lire, contempler quelque chose ou aller me coucher. D’un autre côté, dans une autre chambre, il y a un Lee Krasner de la série Umbers qui est absolument magnifique en basse lumière, et qui est tout aussi imposant, tout en inspirant le calme.

J’ai constaté que lorsque mes enfants étaient très jeunes, ils étaient très respectueux et curieux de l’art que nous avions à la maison. Parfois, je me demande : et si j’avais mis des peintures violentes, sexuelles ou outrageantes sur les murs ? Mes enfants seraient-ils différents ? Auraient-ils une approche différente du monde ? Je ne sais pas. Peut-être devrions-nous demander aux personnes qui collectionnent ce type d’art. 

Vous dites que je collectionnais des œuvres d’art de différentes époques. C’est vrai : certaines de mes peintures datent de la Renaissance et certains objets de la Rome antique. Certains ont une iconographie religieuse et, même s’ils sont petits, ils peuvent totalement illuminer la pièce. Ces œuvres ont besoin de leur propre environnement et ne s’accommodent pas vraiment d’œuvres contemporaines de grande taille. 



  • Vous avez tendance à soutenir des projets artistiques en tant que mécène. Cela signifie-t-il que vous êtes arrivé à un stade où vous n’avez même plus besoin de posséder une œuvre d’art pour l’apprécier ? S’agit-il en quelque sorte de la forme ultime de relation avec un artiste ? 

{SDB} : Oui, bien sûr. J’apprécie beaucoup d’artistes que je ne collectionne pas. Pour moi, être attiré par une œuvre d’art ne signifie pas que je veuille la posséder. 

Je suis à New York en ce moment. Aujourd’hui, je vais visiter plusieurs expositions : les dessins de Ruth Asawa au Whitney cet après-midi, demain je souhaite voir l’exposition d’Ed Ruscha au MoMA… Je dédie une partie de mon quotidien à l’art, surtout lorsque je voyage. 

Je ne me considère pas comme un curateur, mais plutôt comme un conseiller artistique, et j’accepte des projets parce que je les trouve intéressants et que je veux être utile. Si quelqu’un me demande de rassembler une collection ou un ensemble d’œuvres qui résonnent en lui, nous devons nous mettre d’accord sur le processus à suivre pour trouver les meilleures œuvres. 



  • Pouvez-vous nous parler du projet Friends of Heritage Preservation (FOHP) ? 

{SDB} : Les Friends of Heritage Preservation (FOHP) est une organisation qui gère des projets de préservation et de restauration au niveau mondial. C’est précisément le domaine dans lequel je suis spécialisée : J’ai commencé dans la préservation d’œuvres d’art à l’Institut des beaux-arts de l’université de New York, où j’ai également étudié l’histoire de l’art. Il s’agissait d’un double master qui comprenait un programme de préservation de quatre ans : deux ans à New York à suivre des cours de troisième cycle et deux ans de stages dans des musées. J’ai également travaillé au MET pendant mes études à New York. 

Mon premier poste professionnel dans le domaine de la conservation était au Getty Conservation Institute, où j’ai mis en place des programmes éducatifs dans le monde entier. J’ai beaucoup apprécié ce poste qui m’a permis de comprendre comment les choses fonctionnent au niveau des politiques publiques: parfois, lorsque vous voulez avoir un réel impact, la meilleure chose à faire est de commencer par le sommet et d’initier des changements à ce niveau. C’était le bon moment pour repenser mon rôle dans la vie : je voulais quitter les laboratoires de conservation et m’engager de manière concrète pour protéger les monuments. J’ai fondé les FOHP alors que je siégeais dans différents conseils d’administration à Washington et que je militais pour la préservation des œuvres d’art. Je me suis rendu compte que c’était le meilleur moyen de soutenir ce domaine, en particulier lorsqu’il s’agit de sites menacés. 

Avec les FOHP, j’ai trouvé des partenaires naturels au sein des ministères de la culture ou des gouvernements de différents pays, et l’une des principales agences internationales dans ce domaine est le World Monuments Fund, dont le siège se trouve à New York. Après avoir dirigé FOHP pendant 20 ans et réalisé plus de 80 projets de préservation dans 19 pays, et après avoir travaillé avec différentes organisations, nous avons constaté que la meilleure façon d’aller de l’avant était d’unir nos forces à celles du World Monuments Fund. Les FOHP restent un groupe distinct, mais ils sont désormais intégrés au WMF. Nous nous intéressons plus particulièrement à leur Watchlist, qui est éditée tous les deux ans et attire l’attention sur un certain nombre de sites culturels considérés comme les plus menacés et devant être préservés. Il n’y a jamais assez d’argent pour financer tous les sites et monuments en danger dans le monde. En combinant nos forces, nous sommes en mesure de nous occuper d’un plus grand nombre d’entre eux et de toucher un plus grand nombre de membres. 

L’année dernière, les FOHP ont soutenu un projet avec le WMF à Lisbonne, au Portugal : la restauration de peintures murales historiques réalisées par José de Almada Negreiros dans ces stations maritimes qui constituaient autrefois le premier port d’accueil des visiteurs au Portugal. L’artiste, d’origine portugaise et sao-toméenne, a présenté l’histoire complète du peuple portugais, y compris des immigrants d’origine africaine, dont les contributions ont été essentielles à la prospérité du pays, mais qui ont souvent été ignorées par le régime. En fait, après qu’Almada Negreiros ai réalisé ces peintures murales vibrantes et évocatrices, l’État était tellement mécontent de la manière honnête et subversive de représenter l’histoire que l’œuvre a failli être détruite. Je suis heureux qu’elles aient été préservées à l’époque, tout comme je suis heureux que les FOHP et le WMF s’efforcent actuellement non seulement de les préserver, mais aussi de les mettre en valeur grâce à la restauration et à la réhabilitation des bâtiments qu’elles ornent.

En plus de nos actions concrètes, les FOHP ont également plusieurs projets qui concernent la culture immatérielle dans lesquels la langue ou les traditions sont en danger. Il s’agit par exemple d’un atelier en Jordanie où les réfugiés syriens apprennent les techniques de sculpture sur pierre. Cela les aide à trouver un emploi en dehors des camps de réfugiés, mais également de ramener ces connaissances et ces compétences dans leur pays afin de perpétuer cette forme d’art. Nous avons accueilli de nombreux étudiants, dont beaucoup de femmes, qui n’avaient jamais reçu de formation auparavant. C’est un projet qui a un grand potentiel, mais il y en a beaucoup d’autres. 



Le Suzanne Deal Booth Art Prize a été créé en 2016 au Contemporary Austin. Il s’agit d’un prix bisannuel décerné par un comité composé de conservateurs et d’historiens de l’art réputés. Le prix décerne initialement 100 000 dollars, un solo show, une publication et des programmes publics. En 2018, il est devenu le prix Suzanne Deal Booth / FLAG Art Foundation, offrant 200 000 dollars, couvrant toujours les frais d’exposition à Austin et à New York, une publication scientifique et une programmation publique. L’objectif reste de récompenser des artistes exceptionnels ayant de solides références en matière d’expositions, et dont le prix aurait un impact crucial sur la carrière.

  • Parlons du Prix que vous avez créé à l’Austin Contemporary. Comment le voyez-vous après quatre éditions ?

{SDB} : Je pense que le prix Suzanne Deal Booth / FLAG Art Prize a connu un grand succès. L’objectif était d’offrir une expérience transformatrice à la communauté d’Austin et maintenant de New York. Austin est une communauté qui n’a pas une visibilité internationale dans le monde de l’art, en particulier dans l’art contemporain. Le Blanton Museum of Art de l’université du Texas possède une grande collection et organise de nombreuses expositions, mais ce prix artistique a attiré beaucoup plus d’attention sur Austin au niveau mondial. Le prix à l’ambition d’avoir un impact majeur pour la communauté et la carrière de l’artiste. Rodney McMillian, le premier artiste à avoir reçu le prix, est professeur à plein temps à l’UCLA et, depuis l’attribution du prix, il a bénéficié d’une plus grande visibilité et de plus d’expositions.

La FLAG Art Foundation s’est jointe au projet pour la seconde édition. Glenn Fuhrman est un collègue et un ami. Il voulait créer un prix pour la FLAG Foundation et, après avoir fait des recherches, il m’a proposé d’unir nos efforts et de décerner un prix en commun. J’ai pensé que c’était une idée formidable parce qu’elle offrait un autre lieu, un autre public et plus d’argent à l’artiste, ce qui me semble important parce que tant d’artistes n’ont pas l’occasion de produire une exposition à la hauteur de leurs intentions. Car cela peut s’avérer être coûteux: créer de nouvelles œuvres, accéder à de nouveaux publics et produire un catalogue. Jusqu’à présent, les artistes Rodney McMillian, Nicole Eisenman, Tarek Atoui et maintenant Lubaina Himid : je pense que nous couvrons toutes les champs, de la musique à la performance, en passant par l’installation… et même les installations en plein air dans le jardin de sculptures de Laguna Gloria, comme les sculptures en bronze de Nicole Eisenman.

Donc oui, je pense que c’est un succès. Nous sommes encore en train d’évaluer ce qui aurait pu être mieux ou les points faibles. 

La chapelle Rothko, située à Houston, au Texas, est un espace unique et contemplatif qui marie l’art et la spiritualité. Ce joyau architectural, commandé par Dominique de Menil, a été conçu par le célèbre architecte Philip Johnson et achevé en 1971. Elle abrite 14 grandes peintures abstraites de l’artiste Mark Rothko. En 2021, la chapelle Rothko a rouvert ses portes après un programme de restauration de deux ans, l’occasion de célébrer son 50e anniversaire. Entre-temps, l’expérience globale du visiteur est améliorée par l’ajout de la maison d’accueil Suzanne Deal Booth : elle offre aux visiteurs la possibilité de se plonger dans la riche histoire du lieu. Elle sert d’introduction  pour ceux qui s’apprêtent à visiter la chapelle. 

Comment vous est venu le projet de la maison d’accueil de la chapelle Rothko ? Quel est l’objectif de ce bâtiment ?

{SDB} : J’ai grandi à Houston, que je considère comme ma ville natale. J’ai étudié à l’université Rice, où j’ai travaillé avec Dominique de Menil. C’est grâce à elle que j’ai connu la chapelle Rothko et que j’ai rencontré le Dalaï Lama alors que j’étais étudiante. J’ai également joué un rôle actif en aidant à la recherche sur les peintures de Mark Rothko dans la chapelle et en participant à la restauration de l’obélisque brisé de Barnett Newman qui avait été vandalisé. Je me sens très proche de l’intention initiale de Dominique pour la chapelle, qui était de créer un lieu de méditation pour toutes les croyances. Elle s’adressait à toutes les confessions et permettait de rassembler les personnes intéressées par les causes humanistes et les droits civiques.

Ce bâtiment est également adjacent à la Menil Collection à Houston. Le centre d’accueil est l’endroit où les visiteurs peuvent venir, s’enregistrer et s’informer sur ce qu’ils sont sur le point de voir. C’est la première chose que les visiteurs voient en arrivant, et le centre d’accueil les prépare à être ancrés et prêts à vivre l’expérience de calme et d’attention qu’offre la chapelle Rothko. Je suis heureux de faire partie de cette expérience d’accueil et la conception du bâtiment, réalisée par le bureau de recherche en architecture de New York, est magnifique. 



  • Cela nous amène à parler de Dominique de Menil, qui a été votre mentor. Que vous a-t-elle apporté ? Pensez-vous que son influence demeure dans votre façon d’aborder les choses ? 

{SDB} : Dominique a eu une grande influence sur moi. J’ai vécu avec elle pendant deux ans lorsque je faisais mes études supérieures à New York. Je vivais dans un petit studio qui donnait sur un jardin de Max Ernst. J’étais à deux pas de mon école et je me sentais très chanceuse d’être là, car elle m’encourageait par cette largesse à donner le meilleur de moi-même. J’ai également eu l’occasion de passer du temps avec elle et de parler d’art. Je la qualifie d’humaniste parce que l’art est l’une des choses qui l’animait, mais elle était impliquée dans tant d’autres aspects de la vie. La chapelle Rothko expose de magnifiques peintures de Rothko, mais son véritable objectif était de rassembler des personnes partageant le désir de rechercher le sublime dans l’art et d’écouter des intervenants de différentes religions.

J’ai appris d’elle à être et à faire plus d’une chose, parce que l’on peut faire bouger les choses si nos intentions sont bien ciblées. À l’époque, j’étais étudiante et elle ne savait pas qu’à un moment donné de ma vie, j’aurais l’occasion d’être mécène. Je ne pense pas que c’est ce qu’elle essayait de faire, elle était simplement elle-même : se connecter à ceux qui partageaient la même vocation de rendre le monde meilleur.



  • Si nous parlons de la chapelle Rothko, nous devons parler du Texas. Même si vous avez eu une carrière internationale et que vous êtes capable de communiquer avec des gens du monde entier, vous gardez toujours un lien très fort avec la communauté locale. Est-ce quelque chose d’important pour vous ?

{SDB} : J’ai gardé un lien particulier avec tous les endroits où j’ai vécu. J’ai vécu à Paris et je suis toujours impliquée au Centre Pompidou. Je pense que je suis une personne très loyale. J’ai voyagé dans beaucoup d’endroits, mais je reviens toujours dans ceux auxquels je suis attachée. Je suis née au Texas, j’ai vécu à Paris, à Rome, à New York, à Los Angeles, et je suis impliquée dans l’Académie de Rome. J’essaie de trouver des endroits qui résonnent en moi. En tant qu’âme curieuse, je veux être entourée de personnes créatives et réfléchir à des changements positifs.



  • Vous êtes membre du conseil d’administration de plusieurs musées prestigieux. Qu’essayez-vous d’apporter, en tant qu’administrateur ?

{SDB} : En tant que membre du conseil d’administration de diverses organisations, je pense que j’apporte une authenticité en termes de formation et d’orientation. J’ai une expérience similaire à celle d’un conservateur ou d’un directeur artistique. Je peux parler de l’art et des musées d’un point de vue d’initié. Certains sont nés dans ce milieu, d’autres y ont fait leur chemin. Je suis simplement heureuse d’utiliser toutes les choses que j’ai apprises dans la vie de manière positive. 



  • Parmi ces musées, vous avez une relation particulière avec le Centre Pompidou. Vous y avez eu une expérience en tant que restauratrice. Aujourd’hui, vous êtes le président des Amis Américains du Centre Pompidou. Pourriez-vous nous parler de votre relation avec le musée ainsi que de la mission et des projets du groupe ?  

{SDB} : J’ai eu une relation particulière avec Dominique de Menil, la fondatrice des Amis du Centre Pompidou. Lorsque je suis venu à Paris pour la première fois, j’ai bénéficié d’une bourse de la Fondation Kress pour travailler au service de restauration du Centre Pompidou. Les Amis du Centre Pompidou m’ont financé pour rester quelques mois supplémentaires, et j’ai été la seule et unique bénéficiaire des largesses de ce groupe. 

Des années plus tard, lorsqu’ils ont élargi les American Friends, je me suis impliqué en tant que mécène. Steven Guttman, qui avait été président du groupe pendant de nombreuses années et qui était prêt à se retirer, m’a approché pour reprendre le poste, et je me suis dit : « Je devrais le faire, c’est le bon moment pour moi, c’est la bonne chose à faire à ce stade de ma vie… et ainsi je pourrai passer plus de temps à Paris, une ville que j’aime. 



En 2010, Suzanne a relevé un nouveau défi en acquérant le vignoble de Bella Oaks, au cœur de la Napa Valley, avec le même credo que pour tout autre patrimoine culturel dont elle s’occupe : préserver sa valeur historique et écrire un nouveau chapitre.

  • Parlons de votre projet concernant la propriété de Bella Oaks. Pourquoi l’avez-vous acquise ? Que voulez-vous en faire ? 

{SDB} : J’ai toujours eu une relation profonde avec la nature. Bella Oaks et la propriété se trouvent au cœur de la Napa Valley, un endroit très spécial. Il y a d’autres endroits formidables, mais c’est celui vers lequel je gravitais. J’ai étudié l’histoire du vin lorsque j’étais étudiante et mon mari de l’époque, David, avait travaillé à San Francisco, où il avait investi dans plusieurs sociétés vinicoles. Nous nous y rendions souvent, et un jour, au cours d’une promenade, nous avons découvert cette propriété. Nous avons décidé de nous lancer ! Tout a commencé comme s’il s’agissait d’un vignoble qui allait donner naissance à un grand vin. En découvrant l’histoire de la propriété, je me suis passionnée pour la création d’une ferme biologique produisant le genre de produits sains que j’aimerais mettre dans mon corps. Nous produisons de l’huile d’olive, du vin et d’autres produits botaniques. Nous ne produisons pas ces produits parce que je pense qu’ils vont rapporter beaucoup d’argent, mais parce que je suis motivée par le fait de fabriquer des produits de haute qualité auxquels je crois. 



  • Vous produisez du vin biologique, mais aussi du vin en biodynamie. La biodynamie est utilisée dans le monde entier, y compris en France, mais pas par tout le monde. Pourquoi avoir choisi cette approche ? 

{SDB} : L’agriculture biologique est vraiment quelque chose que je voulais faire parce que je pense que ce que nous mettons dans notre corps est très important. Aujourd’hui, nous ne connaissons même pas les effets des produits que nous mettons dans notre alimentation. Donc, si vous avez la possibilité de mettre quelque chose sur votre table en sachant où et comment cela a poussé, je pense que vous devriez le faire. Nous pratiquons l’agriculture biologique et utilisons des techniques biodynamiques. Je produis un vin haut de gamme que je considère comme assez merveilleux. Il peut coûter plus cher et prendre plus de temps à produire, mais le résultat final en vaut la peine et j’ai une équipe formidable qui croit en notre vision commune. C’est un rêve qui devient réalité.