Le Grand Prix de Monaco, un mythe absolu. Depuis 1929, les désormais 3.337 km et 19 virages les plus célèbres au monde ont été le théâtre de certains des plus grands moments du sport automobile: la bataille entre Stirling Moss et Alberto Ascari en 1955 qui se finit dans les eaux du port après la sortie de route du pilote italien; le duel Prost/Senna en 1988, puis le duel Mansell/Senna en 1992 remporté par le brésilien pour 215 centièmes… Comment tous les citer ?
Un fabuleux héritage que le Grand Prix historique, créé en 1997, fait revivre tous les deux ans. Car si les musées font un formidable travail de conservation; à Monaco on pense qu’une voiture, c’est fait pour rouler…et vite, si possible. Rencontre avec Géry Mestre, Président de la Commission des Voitures de Collection de l’Automobile Club de Monaco qui organise l’événement.
- L’objectif du Grand Prix historique est de permettre aux spectateurs de découvrir ou de redécouvrir les voitures qui ont fait la légende de Monaco. Pour les pilotes il s’agit de se faire plaisir tout en préservant les automobiles. Mais cela n’en reste pas moins une épreuve sportive et l’on assiste parfois à de belles bagarres. Est-ce important pour l’ambiance du Grand Prix que ce ne soit pas qu’un défilé de voitures anciennes ?
{GM} : En effet, le Grand Prix Historique est une course et cela fait partie des raisons qui expliquent l’intérêt qu’il suscite.
J’ai eu l’opportunité d’organiser différentes manifestations automobiles et clairement: une parade est une chose, une course en est une autre. Il y a avant tout la question des pilotes: si tout un chacun peut acquérir un véhicule de collection, cela ne signifie pas qu’il est pour autant un pilote. Car de l’avis de ceux qui ont piloté à Monaco, ce circuit est extrêmement difficile et exigeant. Il faut donc avoir un vrai palmarès pour pouvoir participer au Grand Prix Historique.
Nous aimons proposer au public de véritables courses où il y a du spectacle. Mais nous apportons également de l’importance au fait que les voitures soient dans leur état original tout en étant en mesure de retracer leur historique. Mais plus une voiture a couru, plus sa probabilité d’avoir subi des accidents est importante. Toutes les pièces ne peuvent donc pas être systématiquement d’origine.
J’ajouterai également qu’à partir du moment où il s’agit d’une course, la préparation des véhicules est totalement différente d’une parade ou d’un concours d’élégance. Que ce soit au niveau des pneus, des suspensions ou des freins.
- La participation au Grand Prix se fait sur invitation. Quel est le profil d’une voiture ou d’un pilote du GP Historique ?
{GR} : Il n’y a pas forcément un profil type mais il faut qu’il soit compétent et sportif. J’ajouterais que ce n’est pas forcément une question d’âge puisque nous avons des pilotes de toutes les générations. Les pilotes plus âgés ne sont pas toujours les plus rapides mais ils ont plus d’expérience. Certains sont d’anciens pilotes. Parfois il s’agit d’un pilote professionnel qui court à la place du propriétaire de la voiture, lorsque ce dernier estime qu’il n’a pas le niveau de pilotage nécessaire.
- Les plateaux du Grand Prix sont ouverts aux automobiles allant de 1929 à 1985. Ces catégories seront-elles amenées à évoluer dans les années à venir ?
{GR} : Difficile à dire. Le public nous réclame des voitures de Grand Prix et en particulier les Formule 1.
A l’inverse, nous avons souhaité, à un moment, retirer les voitures d’avant-guerre car nous estimions qu’elles étaient dangereuses, difficiles à trouver et difficiles à conduire. Mais les concurrents nous ont fait savoir à quel point ils étaient attachés à cette catégorie. Nous allons tous tâcher de les conserver.
Le Grand Prix historique est un événement complexe à organiser. Complexe… mais passionnant. Notre place et notre temps sont comptés car c’est un circuit en ville. Nous avons donc dû faire des choix. Notamment en ce qui concerne les parades: on en fait plus vraiment par manque de temps. Nous avons assez peu de place pour garer les voitures.
- De grands constructeurs tels que Bugatti, Ferrari, Lotus et Mercedes sont mis à l’honneur lors de l’événement. Bénéficiez-vous de leur soutien ?
{GR} : Je n’irai pas jusqu’à dire qu’ils soutiennent le projet car ils ne sont pas sponsors. Mais il est vrai que l’on constate que ces marques s’investissent énormément dans leur participation aux grands salons de voitures anciennes telles que Rétromobile (Paris), Techno Classica (Essen) ou l’Auto e Moto d’Epoca (Bologne) et tous les événements aux Etats-Unis.
Pourquoi? Parce que chaque constructeur avait autrefois sa propre identité. Nous pouvions distinguer une Jaguar d’une Mercedes. Aujourd’hui les voitures se ressemblent toutes. Donc les marques actuelles investissent beaucoup dans la communication autour de leurs voitures de collection. Ce qui est un moyen pour elles de se différencier.
- Certains anciens grands pilotes de Formule 1 participent régulièrement au Grand Prix Historique (Mika Hakkinen, René Arnoux, Thierry Boutsen…) mais on constate également la présence de pilotes encore en activité, à l’instar de Charles Leclerc. L’événement suscite-t-il l’intérêt des écuries et des pilotes actuels ?
{GR} : Charles Leclerc a en effet effectué quelques tours mais il n’a pas participé au Grand Prix. Il n’y a bien évidemment pas les mêmes enjeux pour eux que lors d’un véritable Grand Prix, mais nos courses n’en sont pas moins de véritables moments de sport automobile et à ce titre cela reste dangereux. Les pilotes n’ont donc pas l’autorisation de participer au Grand Prix Historique.
Les pilotes actuels ont un immense talent. Mais piloter ces anciennes voitures a quelque chose de particulier: elles n’ont pas de direction assistée et sont à boîte mécanique.
- Selon vous, qu’est-ce qui a le plus évolué en Formule 1 ces dernières décennies ?
{GR} : L’explosion du budget des écuries. Ce qui est, selon moi, un signe de l’importance qu’a pris la Formule 1 dans l’espace médiatique. Ce sport reste, pour les constructeurs et les sponsors, l’un des meilleurs moyens de communication.
- Quelle expérience avez-vous tirée des éditions précédentes ? Que souhaiteriez-vous développer ?
{GR} : Il y a toujours des idées que nous aimerions développer. Malheureusement nous sommes contraints par la place et le temps. Nous avions auparavant des courses Junior et Formule 3, mais ce n’est pas ce que demandait le public. La course automobile est avant tout un spectacle et nous avons à cœur de proposer ce que le public a envie de voir.
Nous sommes ravis de voir tourner les Juniors et les F3: ce sont de très belles courses entre pilotes qui ont beaucoup de talent et ont un esprit compétiteur. Ce qui donne souvent lieu à de belles batailles. Mais le public demande des voitures qui soient plus spectaculaires et qui les ont fait rêver par le passé.
- En Formule 1 moderne le spectateur est…un spectateur. Tandis que lors du Grand Prix historique, ce dernier semble avoir son rôle à jouer dans la réussite de l’événement. Certains sont de réels connaisseurs et entretiennent à leur manière la mémoire du Grand Prix de Monaco. Est-ce le cas ?
{GR} : Beaucoup de nos spectateurs ne viennent que pour le Grand Prix Historique. Contrairement à la F1 moderne, vous pouvez descendre dans les paddocks, voir de près les pilotes et surtout discuter avec les mécaniciens. C’est quelque chose que l’on ne peut plus faire à l’heure actuelle.
Le GP Historique est une épreuve intense mais qui reste tout de même moins rapide que la Formule 1 actuelle. Cela permet aux spectateurs d’avoir le temps d’admirer les pilotes et leur voiture.
- Enfin pour finir, quel est le moment du Grand Prix historique qui vous a le plus marqué et qui représente selon vous, le mieux, l’esprit cet l’événement ?
{GR} : Lorsque vous mettez deux grands pilotes ensemble sur le Grand Prix Historique, cela donne de magnifiques passes d’armes. Ce fut le cas en 2021 entre Jean Alesi et Marco Werner.

